#RDVAncestral est un défi généalogique dans lequel, chaque troisième samedi du mois, nous sommes invités à imaginer la rencontre avec un de nos ancêtres, à une époque donnée. Le Généathème est quand à lui, un challenge généalogique initié par Sophie, du blog La gazette des ancêtres, nous proposant chaque mois un thème pour nous donner des idées de publication sur nos blogs. Alors, direction l’année 1832, ou comment combiner généathème et rdv ancestral !

Je viens d’apprendre que le généatheme de ce mois de mars est l’année 1832.
Une rapide recherche sur mon logiciel me donne en résultat quelques naissances et quelques décès, et tiens, un mariage aussi. Celui de Guillaume Jan et d’Anne-Marie Grimault, à Comblessac.

Je connais bien la famille Jan, dans ma généalogie, et je sais que Guillaume n’est pas un de mes ancêtres directs. Mais pourtant, ce nom me dit quelque chose. Je réfléchis, Guillaume Jan, Guillaume Jan…

« – Vous parlez toute seule ? Je me retourne en sursautant et me retrouve face à un adolescent d’une quinzaine d’années.
– Non, je réfléchissais à voix haute.
– Vous êtes là pour la noce ?
– La noce ?
– Oui, le mariage de mon frère Guillaume ! »
A ces mots, le puzzle se remet en place : Guillaume Jan est charpentier, comme son père, et je suis probablement en face de mon ancêtre.
– « Tu es Julien, c’est bien ça ?
– Oui m’dame. Bon c’est pas tout ça mais il faut que je file si je ne veux pas être en retard.
– Attends, où vas-tu ?
– Je dois aider à installer les tables pour le repas de noces. Venez, je vais vous présenter, et on a besoin de toute l’aide possible. » Tout en lui emboîtant le pas, je l’interroge.
– « Ah oui, il y a beaucoup d’invités ?
– Ben, tout le village !
Je m’arrête interloquée.
– Tout le village ?
– Ben oui, c’est la tradition ! Plus des gens de la famille ou des amis qui ne vivent pas à Comblessac et qui viennent pour l’occasion. Et vous ?
– Oh, moi, je suis une cousine… remuée de germain…, du côté de ta grand-mère, euh… maternelle… au 4ème degré. »
J’espère avoir été assez vague pour qu’il ne se pose pas trop de questions. Puis au détour d’un chemin, il s’arrête et déclare : « c’est là ! » Nous sommes devant un immense champ où s’agite une centaine de personnes. Des femmes arrivent les bras chargés de linge, de vaisselle, d’ustensiles de cuisine. D’autres portent des plats, des marmites, des pains et des tourtes de toutes tailles et déposent leur chargement sur de grandes tables dressées sur le côté.
J’avise un groupe d’hommes qui ont l’air de creuser des sillons de part et d’autre de deux cumulus qui font toute la longueur du champ.
« – Mais que font-ils ?
– Ils finissent de creuser les bancs. Ils ne sont pas en avance…
– Creuser les bancs ?
– Bah oui, il n’y a pas assez de table et de bancs pour tout le village, et ce serait trop long et trop coûteux de les fabriquer. Alors on fait un tertre qui sert de table et on creuse des tranchées pour mettre les jambes une fois assis. Mais comment ça se passe chez vous ?
– Euh… J’habite en ville ! »
Il me regarde curieusement mais ne dit rien.

« – Julien, qu’est-ce que tu fais, viens me donner un coup de main !
– C’est ma belle-mère, me précise t-il avant de se précipite vers la femme qui vient de l’apostropher. » Elle porte des marmites à bout de bras, ainsi qu’une grande besace de laquelle dépassent des pains et des brioches. Juste derrière elle, arrive une femme portant un bébé dans le dos, un jeune enfant dans les bras, et suivi de trois autres enfants en bas âge. Elle a également un plat garnie de pâtés en croûte à la main et une besace rempli de couverts. Je me précipite vers elle :
« – Laissez-moi vous aider lui dis-je, en lui prenant le plat. Elle me sourit l’air soulagée.
– Merci je m’appelle Perrine, et vous ?
– Solène.
– Je ne vous connais pas. Vous n’êtes pas de Comblessac ?
– Non, j’habite en ville, à Rennes. Je suis une cousine du côté de la grand-mère du marié.
– Et vous avez fait tout ce chemin pour la noce ?
– Euh… non, j’étais en visite à Guer quand j’ai appris la nouvelle du mariage.
– Ah, vous me rassurez… Venez je vais vous présenter.» Un homme d’une trentaine d’années se dirige vers nous.
« – Ma chérie, donne-moi la besace, le petit a faim. » Le bébé qu’elle portait s’était effectivement mis à hurler dès qu’il s’était réveillé.
« – Je t’apporte une chaise, ajouta l’homme.
– D’accord, merci. Solène je vous présente René Rouxel, mon mari. »
Autrement dit, mon aïeul à la sixième génération, me dis-je intérieurement. Puis, Perrine fit glisser le bébé de son dos avec dextérité et se mit à l’allaiter. En y réfléchissant bien, je suis probablement parente avec la moitié du village !

« – Bonjour Perrine !
– Ah, bonjour Anne. Solène, je vous présente mon amie, Anne poirier, et son mari Charles, du village de la Porte.
– Ravie de vous rencontrer, dis-je, à de nouveaux aïeuls ! »
Anne reprit : « – Et les trois beaux jeunes hommes qui les accompagnent sont leur fils : Augustin, Julien et François. Bonjour messieurs. »
Les trois jeunes gens vinrent nous saluer avant d’aller prêter main forte à leurs ainés.

Je passais ensuite deux bonnes heures à aider aux préparatifs, en mettant le couvert, en confectionnant des décorations de rubans et de fleurs fraîches, et 1000 petites attentions pour ce bel événement. Puis, la famille proche et les amis se dirigèrent vers la mairie pour assister au mariage, avant de se diriger vers l’église où devait se dérouler la cérémonie religieuse, plus solennelle.
Comme je l’avais déjà fait avec ma mère, pour assister au mariage de mes grands-parents, je me faufilais par une petite porte latérale et m’installais discrètement dans une travée. La mariée rayonnait, le marié avait l’air ému, et le prêtre commença la bénédiction.
À la sortie, les musiciens prirent la tête des invités pour les mener, en musique, jusqu’au lieu de la noce ! Je vis alors Julien quitter le convoi, et entrer précipitamment dans une sorte d’atelier. Il en ressortit quelques instants plus tard, en portant un petit paquet qu’il dissimula sous sa chemise. Arrivée dans le champ, je constatais que, pendant notre absence, une grande estrade en bois avait été installée pour servir de piste de danse. Je rejoignais Julien pour l’interroger sur le paquet.
« – C’est mon cadeau, une cuillère de mariage ! Je l’aie sculptée moi-même ! »
Il sortit l’objet de son emballage pour me le montrer. Je découvrais alors une magnifique cuillère en bois, délicatement ouvragée par les mains expertes du jeune homme.
« – Qu’en pensez-vous ? me demanda-t-il un peu anxieux ?
– Julien, elle est splendide ! »

Son visage rayonna de joie et de fierté.
Perrine m’appela alors pour que je vienne m’asseoir prés d’elle et d’Anne. Les plats étaient simples mais délicieux, et l’ambiance très chaleureuse. Le repas fut ponctué de nombreux éclats de rire et de nombreux chants, auxquels tout le monde participait avec bonheur !

Le soleil déclinant, vint pour moi le temps de m’éclipser. Au moment où je regagnais la route, je vis le marié enlacer son petit frère, et je sus que le cadeau de Julien avait fait mouche. Lorsque la mariée enlaça à son tour son tout nouveau beau-frère, je me retrouvais seule dans mon salon silencieux. J’allais me faire un café, puis revint m’asseoir dans mon fauteuil et, en tendant bien l’oreille, il me semblait encore entendre les échos de la fête, les rires et les voix chaudes et généreuses de mes aïeux…

Notes :

Cuillères de mariage : n’hésitez pas à aller voir le site d’Hervé Lorant, qui sculpte ces magnifiques cuillères : https://www.cuilleresdemariage.com/ Et pour en savoir plus sur cette tradition, c’est ici  !

La carte postale du mariage breton vient de l’excellent www.culture-bretagne.net, un très bon site pour en savoir plus sur les mariages traditionnels bretons, et la culture bretonne en général !