Jusqu’à la fin du XIXe siècle, clochers et sonneries fournissaient les « repères spatio-temporels de la société et le sonneur bénéficie du prestige de cette situation au cœur de la vie d’une communauté, dont il « traduit la liesse, la tristesse et les alarmes », et dont il « règle le temps par le rythme de ses signaux ». En zone rurale, la sonnerie des cloches réglait aussi le rythme de travail des paysans dans les champs. A l’aurore, la cloche sonnait le moment du lever, à midi celui de dételer et le son du couvre-feu annonçait la fin de la journée de travail. En général, le “ signal ” était constitué d’une simple volée…

Pierre Gros, mon sosa n°336 était sonneur de cloches au village de Pierrefitte, en Corrèze. Je n’ai pas d’autres informations à son sujet mais je peux vous dire qu’il vivait au 18è siècle et qu’il devait bien s’entendre avec le curé de Pierrefitte, Pierre Châtenet, puisque ce dernier fût le parrain de son fils Pierre, né le 18 janvier 1777.

Dans le temps où le sonneur tirait sur la corde, c’était un serviteur ponctuel, dévoué, veillant jalousement sur « ses » cloches. D’un rythme régulier, très doucement d’abord, il invitait telle ou telle cloche à sonner l’angélus, à rappeler l’heure de la prière ; cloches et sonneur ne faisaient qu’un, pour s’associer aux joies d’une cérémonie ou pour partager la peine des paroissiens en deuil. Un pourboire récompensait ces belles envolées, d’autant plus prolongées que le pourboire était généreux !

Chaque région avait ses coutumes et ses spécificités, également en matière de sonnerie de cloches.

En Corrèze le dimanche, une heure avant la messe, on sonnait pendant deux ou trois minutes, à la volée avec la petite cloche, et au début de l’office, on faisait tinter trois ou quatre fois.
Pour les obsèques, il y avait plusieurs étapes : sitôt informé du décès, on sonnait le glas : tout d’abord, tinter trois fois avec la grosse cloche, lorsqu’il s’agissait d’un homme, ou avec la petite si c’était une femme, puis à toute volée avec chaque cloche pendant cinq minutes. Enfin, les deux ensemble. De cette façon, la population savait au moins déjà s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme… Le matin, le midi, et le soir, à l’angélus, on sonnait à nouveau les deux cloches ensemble jusqu’aux obsèques, et leur timbre accompagnait l’arrivée à l’église et le départ au cimetière. Mais, pour cela, il fallait être deux !
Pour un mariage, c’était aussi les deux cloches, à toute volée, une heure avant la messe, puis à l’arrivée des mariés à l’église, et à la fin de la cérémonie.
Pour un baptême, le sonneur montait en haut du clocher, et prenant le battant à la main, tapait sur la cloche un petit moment : cela s’appelait «  le trizelat ». Puis les deux cloches ensemble pendant un moment, suivant la générosité du parrain ! Les fêtes religieuses étaient également sonnaient à toute volée (=  » plenum »).
La coutume d’autrefois voulait que du 17 au 24 décembre, à 20 heures, on sonne «  les matines » pour annoncer Noël. Ils devaient partir à deux dans la nuit et le froid pour « carillonner » pendant cinq minutes.

Dans la plupart des villes bretonnes, il a existé jusqu’à une époque récente des cloches municipales qui sonnaient l’heure de fermeture des cabarets. On l’appelait Noguette à Saint-Malo et à Dinan. Les Brestois disaient : « C’est Marie-Jeanne qui nous appelle ». Cette sonnerie nocturne a parfois été baptisée dans certains villages la cloche des cochons. Dans le canton de Guéméné-sur-Scorff (Morbihan), tous les dimanches, à dix heures du soir, les cloches des églises sonnaient cette sorte de couvre-feu à la seule adresse de ceux qui, ayant fait une visite un peu trop prolongée au cabaretier, risquaient de se voir dresser procès-verbal pour ivresse par les gendarmes ou le garde champêtre.

On ne sonne plus le couvre-feu dans la plupart des villes européennes depuis la fin du XIXe siècle, sauf peut-être encore dans quelques villes où il subsiste des cloches dédiées à cet usage (telles que, en France, Neuwiller-lès-Saverne, Pont-Audemer, Strasbourg , …).

Notes : Image à la Une : gravure d’Edmond-J. Massicotte.
Sources : Code et langage des sonneries de cloches en Occident d’Eric Sutter. http://lagarnie.chez.com/sonneur.htm