Le 1er août 1914, ce fût le Tocsin qui alerta les habitants de la petite commune de St-Jal… puis la nouvelle se répandit dans chaque foyer : Mobilisation générale !
Quelques jours plus tard, la France déclara à son tour la guerre à l’Allemagne.
Partout c’était la même scène : Sonnés, les hommes faisaient leur sac, embrassaient femme et enfants, parents, frères et sœurs, puis rejoignaient à pied la petite gare de St Jal.
A la Faurie Chabrianne, Pierre prit sa petite Marie dans ses bras et l’embrassa dans le cou. Il respira son odeur de bébé en essayant de la graver dans sa mémoire. Puis, il embrassa son grand-père et sa mère, Marie ; il serra sa sœur Marie dans ses bras, serra la main de son oncle Jean, de son jeune frère François et enfin, celle de son père Antoine. Cette poignée de main fût plus longue qu’à l’ordinaire. Ils se regardèrent en silence et se comprirent. La pudeur empêchait Antoine de le prendre dans ses bras et de l’embrasser mais ce regard avait réchauffé le cœur de Pierre, pas besoin de mots…
Il attendit une minute que son frère Jean ait lui aussi finit d’embrasser leur mère, puis ils sortirent. Sa femme Amélie avait tenue à les accompagner, et leur petite Julienne gambadait à leur côté, ignorant le but de cette promenade…
Ils atteignaient la ferme voisine lorsqu’ils virent leur beau-frère, Jean Noilhetas, sortir de chez lui en compagnie de son frère Henri. Ils s’arrêtèrent pour embrasser leur sœur, Léonie. Plus loin, ce furent Antoine Bouillaguet, Léonard Ceyrat et Antoine Auliac qui se joignirent à eux. Tous ensemble ils parcoururent les 3 km qui les séparaient de la gare.
Devant la gare de St Jal il y avait foule : les hommes sur le départ, leur femme, leurs enfants, des familles entières…
Arrivés sur le quai, Jean monta dans le train pour laisser à Pierre un peu d’intimité pour dire au revoir à sa femme. La foule, les cris, parfois les pleurs, toute cette agitation inhabituelle avait alerté la petite Julienne qui commençait à comprendre que quelque chose n’allait pas… Lorsque son père la prit dans ses bras, elle lui serra le cou, essayant de le retenir… Pierre l’embrassa en lui disant qu’il l’aimait et après un dernier et tendre baiser à Amélie, il monta à son tour dans le train, le cœur serré. Par la fenêtre de son wagon où il avait retrouvé Jean, il leur sourit et leur fit un dernier signe. Amélie, triste et inquiète, essayait de faire bonne figure. « Ne t’inquiète pas lui dit Pierre, nous serons bientôt de retour. » Julienne agita son petit bras pour leur dire au revoir et le train s’ébranla…
Le trajet jusqu’à Brive fût long car le train s’arrêtait dans chaque gare pour laisser monter le flot des conscrits. Arrivés là, les deux frères se dirent au revoir. Ils se serraient la main lorsque Pierre attira à lui son cadet et le serra dans ses bras. Il lui recommanda de faire attention à lui et ils se séparèrent : Jean était envoyé dans l’artillerie tandis que Pierre repris le train pour rejoindre le 101è Régiment d’infanterie à St Cloud.
Pierre Bretagnolle (1885-1915)
Jean Bretagnolle, frère cadet de Pierre, combattit dans l’artillerie et fût démobilisé le 20 juillet 1919.
Des sept hommes qui quittèrent la Faurie Chabrianne ce jour là, seulement 4 retrouvèrent leur foyer, après avoir connu l’enfer des tranchés…
(Léonard Ceyrat et Antoine Auliac sont morts pour la France)
Sources :
Affiche mobilisation générale : Ce document a été placé sur Wikimedia Commons par les Archives Nationales dans le cadre d’un partenariat avec Wikimédia France., Domaine public.
AD 19 : Recensement de St Jal
Site Mémoire des Hommes : 1ère guerre mondiale
Tableau du Soldat embrassant sa famille (Victor Prouvé)
Tableau Le Départ des Poilus, août 1914 (Albert Herter)
Photo de Pierre Bretagnolle, prise au moment de son service militaire au 21ème Rgt de chasseurs à cheval, archives personnelles (photo faite par son oncle Pierre Gros, à l’attention de Léonie, sa nièce et filleule).